Quel regard les agents de la Fonction publique d'Etat portent-ils sur leur métier, leur carrière et leur avenir ? Comment les Français perçoivent-ils les fonctionnaires ? Quelles sont leurs attentes vis-à-vis du service public ? Une étude conjointe entre le cabinet Deloitte et l'institut de sondage IFOP dresse une image contrastée du fonctionnaire actuel et futur.
Pour les Français interrogés*, les fonctionnaires d'Etat sont des personnes intègres et compétentes. Par contre, ils se montrent plus sévères sur leur qualité de service. Ils les jugent peu réactifs, peu dévoués, indisponibles, manquant de sens de l'écoute et de transparence. « Ce regard négatif est une vraie déception pour nous, avoue Jean-François Verdier, directeur général de l'administration et de la Fonction publique. Nous avons pourtant fait des efforts pour améliorer les services au public. Cela prouve que nous devons persévérer ». Pour autant, les Français ne pensent pas que cette qualité ira en s'améliorant. 45% estiment même qu'elle va se détériorer. Plus de la moitié des fonctionnaires partagent cet avis. La catégorie B se montrant particulièrement pessimistes (à 70%).
Les Français avouent être très critiques vis-à-vis des agents dits administratifs. Dans les entretiens menés dans le cadre de l'étude*, les clichés se suivent et se ressemblent : « on ne sait pas ce que fait un administratif », « il est derrière son bureau, il se dit dans 5 minutes c'est ma pause », « c'est un célibataire aigri avec ses tampons et ses stylos, le doigt en caoutchouc ». « Ces a priori dénotent une vraie méconnaissance des métiers administratifs » souligne Marjorie Hecq, manager Service Public chez Deloitte. Par contre, les Français se montrent plus cléments pour les fonctionnaires dits de terrain. D'ailleurs, ils les appellent volontiers par leur métier : les policiers, les pompiers, les infirmières ou les professeurs. « Ce qui prouve qu'ils sont clairement identifiés et que leur utilité sociale est reconnue » indique Loïc Jouenne, associé Secteur Public chez Deloitte.
Les fonctionnaires se disent avant tout motivés par la sécurité de l'emploi, en particulier les 40-50 ans. Les Français l'ont bien compris : selon eux, on n'entre plus dans la Fonction publique par vocation et encore moins pour le salaire. Ce qui n'empêche pas 95% des fonctionnaires de se déclarer fiers de l'être et d'estimer à 74% être bien payés par rapport au travail fourni. Les plus satisfaits étant les agents de catégorie A (89%).
Sur la question des valeurs qui caractérisent le mieux l'administration d'État, les points de vue des uns et des autres se rejoignent. Arrivent en tête la laïcité, la continuité de service et la neutralité. Et en queue de peloton la performance, la transparence, l'adaptabilité et l'exemplarité. L'intégrité n'est citée que par les fonctionnaires.
Les Français aimeraient que les conditions de travail de la Fonction publique d'État se rapprochent un peu plus de celles du privé. Le mérite, l'atteinte de résultats et l'évaluation individuelle devraient davantage être pris en compte dans la gestion des ressources humaines. De leur côté, les fonctionnaires souhaiteraient que leur hiérarchie exerce un management plus proche du privé, avec davantage d'écoute, de respect, de soutien, de sens, de reconnaissance... Mais sans aller jusqu'à introduire le terme « manager public » jugé « inadapté », en particulier par les agents de catégorie C (à 75%).
Pour les Français, les compétences métiers, la capacité d'adaptation, le savoir-être et la motivation chers aux recruteurs du privé, devraient être introduits dans les concours. Les fonctionnaires n'y sont pas hostiles. Ils pensent même que les critères de sélection vont évoluer dans ce sens. « L'attachement au concours reste fort, signale Marjorie Hecq de Deloitte, que ce soit pour entrer dans la Fonction publique que comme moyen de promotion. Mais il faut le rénover, développer les mises en situation, moins se baser sur les compétences académiques ».
Par contre, les avis des Français sont plus tranchés sur le maintien ou non de l'emploi à vie : 50% se disent favorables, 50% opposés.
La Fonction publique sera-t-elle toujours attractive demain ? Oui répondent les fonctionnaires de catégorie A, non estiment les autres. 45% des Français pensent que cette attractivité ne va pas s'améliorer. « Aujourd'hui déjà, on observe une baisse relative du nombre d'inscrits aux concours. Et elle n'est pas liée à la crise » précise Jean-François Verdier, directeur général de l'administration et de la Fonction publique. Le secteur privé séduit toujours avant la Fonction publique. « Nous devons continuer à communiquer en particulier en direction des jeunes en allant à leur rencontre lors de salons et en investissant davantage les réseaux sociaux. C'est là qu'ils cherchent dorénavant l'information ». Pas simple lorsqu'on sait le mal qu'a eu Bercy à recruter un community manager...
A noter que cette étude qui concernait uniquement la Fonction publique d'État pourrait être étendue à l'avenir à la Fonction publique territoriale et à la Fonction publique hospitalière.
* Étude "Citoyens et fonctionnaires : regards croisés sur la Fonction publique et le fonctionnaire de demain", réalisée auprès de 194 fonctionnaires travaillant dans 8 ministères de la Fonction publique d'État (entre mars et juin 2012) et auprès de plus de 1 000 Français (en août 2012). Des entretiens qualitatifs ont aussi été menés auprès de DRH, Secrétariats généraux, organisations syndicales, citoyens CSP+ d'Île-de-France et CSP- de Dijon.
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