Un agent de la fonction publique peut tout à fait mettre son expertise au service d'une entreprise, donner un coup de pouce à un particulier, à une association ou écrire un livre. Seule condition : prévenir sa hiérarchie.
De plus en plus de fonctionnaires complètent leur emploi public en exerçant une activité annexe, lucrative ou non. C'est ce qui ressort du rapport d'activité 2014 de la commission de déontologie de la fonction publique. Plus des deux tiers des dossiers examinés sur 3045 concernent les demandes de cumul d'activités dont 62,5% dans la fonction publique de l'Etat (FPE), plus de 80% dans l'Hospitalière et 75,8% dans la Territoriale (25% de moins qu'en 2013). Dans l'Hospitalière et la FPE, la moitié des saisines émane principalement des fonctionnaires de catégorie A, dont une part importante d'enseignants. Dans la Territoriale, la part des agents de catégorie C représente 60,7% des demandes, contre 61,5% en 2013. Les secteurs les plus réclamés sont le bien-être, le commerce, l'informatique, les assurances, le juridique, le médical et paramédical en particulier dans la fonction publique hospitalière, le sport, le tourisme, les petits travaux chez les particuliers et le transport dans la Territoriale.
4% de fonctionnaires sont des auto-entrepreneurs, selon un sondage de OpinionWay pour l'Union des Auto-entrepreneurs (UAE) et la Fondation Le Roch-Les Mousquetaires (novembre 2014).
Cette tendance n'étonne guère Dominique Gruyer, co-fondatrice avec deux autres fonctionnaires territoriaux, de Compétences FP. Cette association créée en 2010 met en contact des agents auto-entrepreneurs, vacataires ou retraités et des employeurs publics ou privés à la recherche d'expertises ponctuelles. « Les agents de la fonction publique se retrouvent dans une situation financière difficile : les salaires sont bloqués, les primes stagnent voire diminuent, alors que le coût de la vie augmente. Certains vivent des situations familiales un peu compliquées : seuls avec des enfants, avec un conjoint au chômage... Un complément de rémunération est donc le bienvenu. De l'autre côté, les collectivités, les PME et les TPE baissent leur budget de fonctionnement et sont attentives à trouver des experts pour de courtes durées, sans avoir besoin de recruter quelqu'un à temps plein ou en CDD ».
Selon Dominique Gruyer, en activité dans un Conseil général de la région parisienne, une autre raison peut être invoquée pour expliquer le boom des agents publics entrepreneurs. « Il existe un énorme gâchis de compétences dans certaines structures publiques : des fonctionnaires se retrouvent au placard, voient leurs compétences non utilisées à cause d'un management peu valorisant ou parce que l'employeur préfère faire appel à des entreprises sous-traitantes ». Cette directrice territoriale parle en connaissance de cause : elle a elle-même été victime de cette situation avec deux autres collègues. Après avoir passé un master qualité-sécurité-environnement financé par sa collectivité et décroché les certifications ISO 9001, ISO 14001 et OHSAS 18001 pour un pôle de 700 agents, son nouveau directeur général a décidé d'arrêter net son élan. « Comme l'argent public a servi à me former, j'ai décidé de devenir auto-entrepreneur pour mettre ma formation et mon expérience à disposition d'autres structures qui en auraient besoin ». Elle a créé dans la foulée Compétences FP.
L'association compte une trentaine d'adhérents proposant diverses missions professionnelles : du secrétariat, de la comptabilité, de l'aide au montage de dossiers de subventions, de l'appui à la réalisation de marchés publics, de la préparation aux concours administratifs, des études juridiques, de l'organisation d'événements culturels, des bilans de compétences... Mais certains agents cumulent aussi leur activité principale avec leur passion personnelle. Ainsi Chantal cadre territoriale et diplômée en sophrologie propose des séances de prévention du stress professionnel, François fonctionnaire retraité a développé une compétence dans l'aménagement de bureaux Feng Shui, Ingrid propose d'exposer ses objets artisanaux fabriqués à partir de calebasses. Pourquoi pas ? Du moment que l'employeur public est d'accord...
Qui peut être concerné ?
Les fonctionnaires et les agents non titulaires des trois fonctions publiques, les ouvriers des établissements industriels de l'Etat.
Quelles sont les activités autorisées au cumul ?
Certaines activités sont interdites, d'autres librement autorisées et les dernières soumises à autorisation. Attention. Le régime de l'auto-entrepreneur est obligatoire pour les services à la personne et la vente de biens fabriqués personnellement par l'agent. Le cumul peut aussi être autorisé dans le cadre d'une création ou d'une reprise d'entreprise, et de la direction d'une société ou d'une association.
Sous quelle condition ?
L'activité ne doit pas porter atteinte au fonctionnement du service. Au préalable, elle doit faire l'objet d'une autorisation écrite précisant l'identité de l'employeur ou de l'organisme, la nature, la durée, la périodicité et les conditions de rémunération de l'activité.
Quand doit s'exercer cette activité ?
En dehors des heures de service (congés, RTT...).
Bon à savoir
La rédaction d'un livre peut s'exercer librement sans autorisation préalable de l'administration. Cette activité concerne la production des oeuvres de l'esprit (code de la propriété intellectuelle).
Les fonctionnaires toujours plus attirés par le cumul d'activités
Témoignage : "Mon cumul d'activités bénéficie aussi à mon employeur"
Dossier : La rémunération des fonctionnaires
Public-privé : les fonctionnaires moins diplômés sont mieux payés
Soyez informé par e-mail de l'actualité de l'emploi dans la Fonction publique.