Passer d'une fonction publique à une autre ou évoluer à l'intérieur de l'une d'entre elles est une « garantie fondamentale » inscrite dans la loi du 13 juillet 1983 (art. 14) et renforcée par celle du 6 août 2009. Tous les agents peuvent donc s'en emparer pour faire évoluer leur carrière. Or peu de fonctionnaires le font, hormis les cadres (catégorie A). « Les titulaires des corps et emplois d'encadrement et de direction apparaissent comme les plus mobiles : plus d'un tiers d'entre eux n'appartenaient pas en 2003 au même corps qu'en 2007, et environ autant ont changé de région de fonction entre 2003 et 2007 » indique le rapport annuel de la fonction publique (Faits et chiffres 2010-2011). La mobilité est aussi peu pratiquée entre les fonctions publiques. Difficile pour l'Hospitalière de recruter des infirmières peu présentes dans la Territoriale ou à l'Etat. Dans les collectivités, pas simple de franchir l'étape du recrutement (candidature et entretien) proche de celui du privé et de comprendre le monde des élus et des administrés. A l'Etat, l'excès de bureaucratisation et de rigidité refroidit souvent les plus téméraires...

Six voies de mobilité

Pourtant les dispositifs de mobilité ne manquent pas. Pas moins de six possibilités s'offrent aux agents qui désirent évoluer. Les plus connues sont la mutation, pour ceux qui veulent bouger en interne au sein d'une même fonction publique, le détachement et la mise à disposition pour intégrer une autre fonction publique. Il existe trois autres voies : l'intégration directe pour accéder définitivement, sans période transitoire et sans condition de détachement préalable, à un autre corps ou cadre d'emplois que le sien, le tour extérieur généralement prévu pour les hauts fonctionnaires qui peuvent atteindre directement un corps de niveau supérieur sans concours, ni détachement préalable, et le concours interne, ouvert à tous les agents, qui donne accès, sur épreuves, à un cadre d'emplois, un emploi ou un corps de niveau supérieur.

Trop d'obstacles

« Ce n'est pas tant le droit et les possibilités qui coincent que les freins juridiques, statutaires et réglementaires » estime Bernard Breuiller, Directeur Général du Centre de Gestion du Finistère. Ces obstacles ont d'ailleurs été clairement identifiés il y a cinq ans lors de la conférence sur les parcours professionnels des agents publics : trop de corps et de statuts, trop de différences de régimes indemnitaires, des administrations et des fonctions publiques trop cloisonnées ou des pratiques de gestion inadaptées. « Supposons que vous êtes agrégé et que vous voulez travailler dans une collectivité, illustre Bernard Breuiller. Vous postulez à un poste dans la filière administrative en catégorie A et vous êtes recruté. Et puis, finalement, l'enseignement vous manque et vous voulez retourner dans la Fonction publique d'Etat. Vous ne pourrez le faire que si vous repassez l'agrégation. La sortie est à sens unique. Certains corps de l'Etat ne sont accessibles qu'après un nouveau concours même si vous avez travaillé de nombreuses années dans l'Etat ».

Un plaisir et un risque

Au-delà, une mobilité géographique et/ou structurelle est aussi une affaire de personnalité. « Réaliser une mobilité est une prise de risque. Elle exige du temps et de l'énergie et entraîne des décisions qui elles-même suscitent des émotions, affirme Chantal Perrin-Van Hille dans son livre 'Réussir sa mobilité dans la fonction publique' (Ed. La documentation française). Quitter un poste connu pour aller vers l'inconnu, c'est un changement. Chaque individu réagit différemment. Pour certains c'est un plaisir, pour d'autres une opération pénible, voire angoissante ». Sans compter le poids de l'entourage. « Certains agents voudraient bien changer mais n'osent pas, dissuadés parfois par leurs amis ou leur propre famille » assure Bernard Breuiller. « Changer est difficile sur un plan psychologique, on oscille entre sécurité et excitation. Celle qui l'emporte relève de l'éducation reçue dans l'enfance... »

Quels sont les facteurs à prendre en compte ?

Il faut tenter de mesurer les avantages et les inconvénients professionnels, matériels, sociaux, voire familiaux. Dans le cas d'un changement géographique par exemple, penser à l'accès à un logement, à la place en crèche ou dans une école si on a des enfants, aux difficultés pour le conjoint à retrouver un emploi, etc. D'autres facteurs entrent en compte. « Les conditions de vie professionnelle comme les déplacements, la durée de travail, les congés et/ou le régime indemnitaire sont des éléments objectifs à évaluer, énumère le Directeur Général du Centre de Gestion du Finistère. Mais ce ne sont pas forcément les plus importants... ». Marie est attachée territoriale (catégorie A) dans une collectivité de 3000 habitants et gagne « beaucoup » moins que lorsqu'elle était secrétaire administrative d'Etat (catégorie B). « Et oui, les petites collectivités n'ont pas de primes, pas de tickets restaurant... Mais le travail en lui-même est passionnant et très motivant ! » admet-elle. Isabelle, éducatrice spécialisée d'Etat, a demandé un détachement pour passer de la Fonction publique territoriale à l'Hospitalière. Il y a 5 ans, elle a réintégré la FPT. Un aller-retour « très enrichissant » qui lui a permis « d'échapper à la routine professionnelle ».
A chaque agent de voir jusqu'où il est prêt à mettre le curseur...

Bon à savoir :

Si vous avez un projet de mobilité, n'hésitez pas à solliciter votre supérieur hiérarchique direct notamment lors de l'entretien professionnel d'évaluation, le gestionnaire RH ou le conseiller mobilité-carrière de votre ministère, de votre collectivité ou de votre établissement. Profitez aussi des dispositifs de formation pour passer un bilan de compétences et préparer les concours internes.