« J'ai arrêté de travailler il y a 12 ans pour suivre mon mari à l'étranger et m'occuper de nos trois enfants. Lorsque nous sommes revenus en France, j'ai cherché une activité qui me permette de rester près d'eux. J'avais plusieurs amis enseignants, ils m'ont conseillé de tenter le concours de recrutement des professeurs des écoles (CRPE). Comme j'étais diplômée d'un master (en droit) exigé aujourd'hui pour passer le concours, je me suis dit pourquoi pas.

Je ne voulais pas devenir instit à cause des vacances ou pour devenir fonctionnaire. J'aime transmettre, je trouve cela intéressant de former les citoyens de demain. De plus, j'ai beaucoup suivi mes enfants scolairement, j'ai eu l'occasion d'échanger avec de nombreux enseignants. J'ai trouvé que c'était des personnes admirables, j'étais assez impressionnée. Mon intérêt pour ce métier vient aussi de là.

Pour préparer le concours, j'ai suivi une préparation à distance via Internet et lu les livres de référence. J'ai révisé à fond le français et les maths, les deux matières demandées lors des écrits d'admissibilité. C'était intéressant, amusant même de se replonger dans ses cours. Et tout à fait faisable : on ne vous demande pas d'avoir fait Sciences Po mais de maîtriser le français, la grammaire, et les maths jusqu'à la troisième.

Pour les épreuves d'admission, la tâche était moins aisée. Maîtriser l'entretien avec un jury est une vraie épreuve et mon émotivité m'a surprise moi-même ! Je n'étais pas réellement préparée car je n'ai pas passé d'examen blanc au préalable. J'ai parfois été déroutée par les questions du jury qui se situaient souvent en amont de la simple pratique et impliquaient un recul sur certaines notions que je ne maîtrisais pas à mon niveau.

J'ai abordé le concours avec philosophie, sans doute à cause de mon âge. Je me suis dit que si je devais l'avoir, je l'aurais, sinon tant pis. En même temps, j'étais plutôt rassurée : il y avait plus de 1000 postes ouverts dans mon académie. Au final, tous ont été pourvus. J'ai appris que j'étais reçue en regardant les résultats sur le site de l'académie.

J'ai fait ma première rentrée il y a quinze jours. J'ai été affecté dans le département que j'avais demandé lors des voeux géographiques. C'est celui où j'habite, donc ça m'arrange. Ma classe compte 30 enfants de moyenne section. J'ai beaucoup de chance car j'ai été très bien accueillie par l'équipe enseignante et la directrice de l'école est formidable. Je ne me sens pas toute seule, ni abandonnée. Ce qui n'est pas forcément le cas partout...

Je travaille en alternance. J'enseigne à mi-temps en maternelle et le reste du temps, je suis des cours d'approfondissements didactiques dans toutes les matières (français, maths, histoire…) dans une des Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE). Après cette année scolaire, je serai ou non titularisée, mais je ne me projette pas encore jusqu'à ce stade-là. Ce qui m'importe pour l'instant, c'est de bien apprendre mon métier.

On prétend que le métier est difficile psychologiquement. Oui mais c'est aussi le cas dans d'autres secteurs. En étant maman, j'ai l'expérience des enfants, j'ai des repères que n'ont pas forcément de jeunes professeurs des écoles pour qui cela peut sembler plus dur. Personnellement, je n'aurais jamais passé le concours à 20 ans.

Côté salaire, ce n'est pas une surprise que les instituteurs soient sous-payés par rapport à leurs collègues du secondaire ou par rapport à ceux de l'étranger (cf : l'étude de l'OCDE sur l'éducation en 2014). Tout le monde est au courant. Par contre, je pense qu'aujourd'hui cet écart n'est plus justifié compte tenu du niveau requis pour passer le CRPE (il faut un bac+5) et des enjeux soulevés par l'exercice de ce métier.