Si dans le secteur privé elle devient l'exception, dans la Territoriale la lettre de motivation manuscrite fait de la résistance, à en croire les employeurs publics que nous avons interrogés. « La culture de l'écrit est encore bien présente, n'oublions pas que nous sommes dans un environnement administratif » rappelle Tony Lourenço, dirigeant fondateur du cabinet Territoires RH. Une lettre rédigée à la main et envoyée par la Poste permettrait de se détacher du flot de candidatures informatisées. Vraie ou fausse bonne idée ?

Ecrire prouve que le candidat a fait un effort

« C'est une question de sensibilité personnelle, estime Pascale Gravejal, adjointe au DRH du Conseil général du Loiret. J'apprécie la lettre de motivation manuscrite car elle donne une indication sur le candidat, sur son côté soigné, sur l'effort qu'il a dû fournir pour bien la rédiger. Cela se vérifie en particulier pour les postulants aux emplois de catégorie C. ». Même avis pour Hervé Petton, DRH de Quimper Communauté. « J'ai un faible pour les candidats qui m'envoient une lettre rédigée à la main et non tapée sur leur ordinateur. J'ai l'impression de mieux saisir leur personnalité ». Pour Philippe Gérard, directeur général adjoint des services au Conseil Général du Gers, elle est « un vrai plus » par rapport à une candidature électronique, sauf en cas d'écriture illisible. « La lettre manuscrite révèle une qualité de production qui se traduit de manière bien plus impersonnelle sous word ». Isabelle Saumier, DRH du Conseil général du Val-de-Marne (94) va plus loin. « C'est une façon de constater que le candidat est bien l'auteur de la lettre. Par exemple, les ronds sur les "i" c'est typiquement féminin. Si la lettre est signée par un homme, on le verra tout de suite grâce à ce détail ».

La lettre comme outil de test dans la territoriale

Au-delà de ces remarques plutôt subjectives, la lettre de motivation manuscrite peut aussi avoir valeur de test. « Un candidat qui nous l'envoie parce que nous l'avons clairement précisée dans notre offre d'emploi prouve d'emblée qu'il sait respecter une consigne » souligne Sébastien Duval, directeur général des services de la Ville de Chennevières-sur-Marne (94). Elle peut aussi servir à départager des candidats comme le précise Tony Lourenço. Ce chasseur de têtes la réclame parfois dans la phase finale d'un processus de recrutement. « Il est alors intéressant d'observer la forme, la calligraphie, la justesse de l'orthographe, de tenter de "sentir" l'identité des candidats en short list. Elle est alors utilisée comme un moyen de sélection et d'évaluation ».

Pour postuler à des emplois publics particuliers

Par ailleurs, la lettre manuscrite semble particulièrement appréciée des employeurs publics lorsqu'on postule à des emplois bien précis. Tony Lourenço recommande à ceux qui visent « un poste de cadre territorial, de chargé de communication ou de directeur de cabinet » de prendre leur plus belle plume pour motiver leur candidature. Même conseil de la part de Azzedine Diani, DRH de l'agglomération Argenteuil-Bezons (95) notamment pour les candidats dont l'écriture est le coeur de métier. « Les communes qui recrutent des écrivains publics attendent une lettre manuscrite et le précisent d'ailleurs souvent dans la fiche de poste ». Mais en dehors de ces cas particuliers, ce jeune DRH estime qu'à l'heure d'Internet et de la messagerie électronique, la lettre manuscrite fait tout de même un peu... « old school ».

Et l'analyse graphologique ?

Les recruteurs publics interrogés disent ne pas l'utiliser. Interdite dans certains pays anglo-saxons, l'analyse graphologique serait pratiquée en France dans les entreprises comme dans la fonction publique, notamment pour recruter des cadres. Mais difficile de savoir combien d'administrations ont recours à cette pratique, les utilisateurs refusant de l'admettre, sans doute par peur des critiques...