Ils ont quitté la Défense pour commencer une nouvelle carrière dans un contexte professionnel différent. Trois anciens militaires racontent comment ils ont franchi le pas. De l'armée au civil...
Après 22 ans et demi passés dans l'armée de l'air, Stéphane Viateur occupe aujourd'hui un poste de responsable des équipes techniques du lycée professionnel des métiers de l'habitat et des travaux publics à Blanquefort, près de Bordeaux. « L'armée m'a beaucoup appris. Elle m'a permis de faire une carrière technique variée, mais les perspectives professionnelles s'amenuisaient. J'aspirais à autre chose, à m'épanouir ailleurs. La crise de la quarantaine peut-être... » raconte cet ancien sous-officier. Je voulais entrer dans la fonction publique pour avoir la sécurité de l'emploi, et la territoriale en particulier. J'habite dans le Médoc, j'avais envie de rester dans la région ».
Epaulé par Défense Mobilité, l'agence de reconversion des militaires, cet Arpète * ne ménage pas ses efforts pour décrocher l'emploi idéal : « J'ai ciblé ma recherche au niveau géographique, cherché des offres sur Internet, affiné ma candidature, je me suis entraîné aux entretiens, et bien sûr je me suis informé sur le fonctionnement de la FPT ». Après trois entretiens sans lendemain, un ami l'aiguille vers le poste du lycée de Blanquefort proposé par le conseil régional d'Aquitaine. Son CV plaît, il est convoqué à l'entretien avec... sept autre candidats !
« J'avais parfaitement préparé les réponses aux questions qu'on risquait de me poser. J'avais même mis au point un procédé qui amenait mes interlocuteurs à m'interroger sur des sujets que je tenais à placer dans la conversation ». Sa motivation s'avère payante. Dès le lendemain, la DRH l'informe qu'il a le poste. « J'étais confiant, cet emploi correspondait à mon profil de carrière basée sur la technique et la gestion administrative de personnel. J'ai appris plus tard que mon passé de militaire, ma rigueur et ma capacité à prouver que mes compétences étaient transférables, avaient aussi convaincu le jury ».
Titularisé en avril 2013, soit un peu plus d'un an et demi après sa procédure de détachement/intégration, ce père de deux enfants est aujourd'hui un technicien territorial plutôt heureux, même s'il travaille beaucoup. « Je gère 32 personnes, surtout des catégories C : des cuisiniers, des agents de service en salle, de nettoyage de locaux, d'espaces verts, des techniciens électriciens... En parallèle, je m'occupe de la gestion de différents matériels, de la benne à déchets jusqu'aux ampoules, tout en supervisant des chantiers de gros oeuvre : ascenseurs, toiture, chauffage... ».
Financièrement, l'ancien militaire devenu agent de catégorie B avoue gagner une centaine d'euros en plus tout en précisant qu'il paie désormais ses repas et ses vêtements, et qu'il utilise sa voiture alors qu'il pratiquait le co-voiturage. « Cela ne me dérange pas ! Je m'épanouis dans mon travail, je me sens utile, je fais des choses concrètes et j'ai encore beaucoup à apprendre » conclue-t-il avec assurance.
* Arpète : surnom donné aux anciens élèves techniciens de l'école d'enseignement technique de l'armée de l'air de Saintes.
Le sergent chef Cendrine Porchel a quitté le service des Essences des Armées de Chalon-sur-Saône, après plus de 16 ans « et 6 mois » dans l'institution. « Ca n'a pas été simple, admet cette mère de trois garçons. Mais je ne voyais pas d'autre alternative. J'avais 37 ans, je venais de passer ma 9ème année sans pouvoir prétendre au grade supérieur malgré mon BSTAT *, le tableau d'avancement était gelé, j'étais coincée à Chalon. Je ne voyais plus l'intérêt de rester. De plus, on me proposait de partir en Afghanistan. Mon dernier avait à peine 7 mois, mon mari militaire était souvent en déplacement. Je devais faire un choix ».
Sa reconversion démarre par une demande de formation comme inspecteur du permis de conduire au ministère des Transports. Dossier refusé sous prétexte qu'elle n'a jamais travaillé dans une compagnie gérant des véhicules militaires. Elle enchaîne alors sur une VAE de... technicien de piscine privée, son père travaillant dans le même secteur. Six mois de formation en alternance à Angers suivie d'une embauche en CDI dans une société domiciliée à Paris qu'elle quitte d'un commun accord quelques mois plus tard. « Mon mari a dû être hospitalisé. Je ne pouvais plus assumer mon travail, les enfants et les allers-retours à l'hôpital ». Elle fait alors jouer ses relations familiales pour approcher le conseil général du Maine-et-Loire.
« Je ne connaissais pas vraiment la fonction publique territoriale. J'ai passé des tests d'expression écrite et orale, quelques travaux informatiques, puis j'ai eu un entretien de plus d'une heure devant cinq personnes. Je ne m'étais pas préparée. De toute façon, moins je me prépare et plus j'ai de chance de réussir... ».
Depuis début juillet 2012, Cendrine est agent administratif vacataire (non-titularisé), un poste de catégorie C. Elle enchaîne les remplacements au pied levé dans différentes directions du CG 49.
« Dès qu'on a besoin de moi on m'appelle. On sait que je suis disponible même pendant les vacances scolaires, que j'accepte les missions compliquées, que je sais m'organiser par rapport à mes enfants, que j'ai le sens du service public. Je suis fiable, motivée, je travaille dans les délais. On peut compter sur moi. » Des qualités basées sur son passé militaire ? « Sans doute, mais c'est à double tranchant. On a du mal à croire que je suis une ancienne militaire avec mon 1m62 et mes 55 kilos. Et quand je le dis, les gens sont effrayés. Il faut tout de suite que je précise que je n'appartenais pas à une unité de combats. D'autres hésitent à me confier des missions pensant que je vais m'ennuyer au vu de mon CV bien rempli... ».
Fin juin 2013, Cendrine espère pouvoir décrocher un poste plus stable. Car la précarité de son statut l'angoisse beaucoup. Pour autant, elle ne regrette pas d'avoir remplacé son uniforme bleu par des habits civils et d'avoir perdu la sécurité de l'emploi. « Si c'était à refaire, je referais la même chose ! ».
* BSTAT : brevet supérieur de technicien de l'armée de terre
A 39 ans, Christophe Pinto est bien loin du sable fin et de la mer turquoise de l'Ile de la Réunion. Depuis décembre 2011, cet ancien soldat des forces spéciales patrouille dans les rues de Tignes, la célèbre station de ski savoyarde. « J'avais un contrat de 25 ans de service avec l'armée de terre. Je me suis dit qu'arriver à 45 ans ma reconversion dans le civil allait être difficile. J'ai décidé de prendre les devants » explique l'ex-sergent Patxi, originaire du pays basque.
Son choix se porte naturellement vers des emplois dans la sécurité, la police nationale, la police municipale, le pénitencier et les douanes. « Pour entrer dans la police municipale, j'ai démarché toute la France. Je n'avais pas d'objectif géographique. J'ai envoyé des candidatures spontanées et je me suis inscrit sur des sites de la territoriale ». Après plusieurs mois de recherche, la ville de Tignes retient son profil - avec 30 autres candidats - pour le poste de responsable de la brigade de nuit.
« J'ai d'abord passé un entretien téléphonique de trois heures depuis la Réunion. Quinze jours après, nous n'étions plus que deux et on m'a proposé un nouvel entretien par vidéo via Skype. J'estimais que l'autre candidat avait plus de chances que moi puisqu'il était en métropole. Alors j'ai pris l'avion pour me retrouver à l'heure dite face aux recruteurs ». Trois jours après la réponse tombe : elle est positive !
Indéniablement sa motivation et ses compétences militaires ont pesé dans la balance. « Il leur fallait quelqu'un avec de l'assurance, du charisme, capable de gérer une équipe, de commander et avec de l'expérience. Car Tignes n'est pas une ville de carte postale. Pendant les six mois de la saison estivale et particulièrement la nuit, les infractions sont nombreuses : rixes dans les boites de nuit et les bars, drogue, alcool, tapages nocturnes, circulation de faux billets, viols... J'ai d'ailleurs recruté trois anciens militaires pour m'épauler la nuit ».
Hors saison, Tignes se transforme quasiment en ville morte. Christophe s'adonne alors à un travail plus administratif. L'équipe passe de vingt deux personnes à cinq. Une différence d'activité qui n'est pas forcément facile à gérer. « La ville recrutait souvent des gendarmes en reconversion comme moi. Ils se formaient, attendaient la titularisation puis partaient au bout d'un an ». Une infidélité qui ne risque pas de concerner cet ancien sous-officier de la Défense. En effet, la ville a aussi recruté son épouse comme responsable de la cantine scolaire et leur met à disposition un appartement de 100 m2 au pied des pistes. « Nous ne payons ni le loyer, ni l'eau, ni l'électricité ! Des à-côtés qui font qu'avec mon salaire et ma pension, je gagne plus qu'à l'armée » affirme l'agent de police judiciaire adjoint.
Quant à l'avenir, ce père de deux enfants « majeurs » espère devenir chef de service d'une police municipale et passer ainsi de la catégorie C à la catégorie B « soit par concours interne, soit par avancement de grade, il faut encore que je me renseigne... ».
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