« A 30 ans, je me suis retrouvé directeur général adjoint au sein du cabinet du président d'un conseil général. C'était la première fois que j'avais une telle responsabilité, se souvient Pascal Brindeau, aujourd'hui fondateur de Publicap Conseil (1). L'équipe était composée d'une dizaine de collaborateurs, des contractuels pour l'essentiel et des titulaires pour le reste, âgés et plus jeunes. Je n'étais pas préparé à encadrer des agents. Je me suis adapté, on apprend en fonctionnant, sur le tas... ». Alors pas de recette miracle ? Pas si sûr.

Etre un manager public humble et pondéré

Magali Girou, consultante en RH et en recrutement chez Savoirs Publics (2) préconise dans un premier temps de jouer la carte de l'humilité et de ne surtout pas se précipiter. « Evitez d'être tout feu tout flamme, ne cherchez pas à tout révolutionner. Prenez le temps d'observer les acteurs en présence, tenez compte de l'histoire de la collectivité, de ses habitudes de travail, des procédures, mais aussi de toutes les règles qui ne sont pas forcément formalisées. Les managers qui ne prennent pas ce temps-là se grillent facilement... ». Même conseil de la part de Tony Lourenço, dirigeant fondateur de Territoires RH (3). « Allez-y avec doigté, ne soyez pas présomptueux. Faites preuve de modestie, de pondération, de dévouement et d'analyse ». Ce temps d'observation est d'autant plus nécessaire que le milieu territorial est complexe, partagé entre politique et administration.

Servir d'intermédiaire entre élus et agents

« Le manager public est dans une position charnière entre des élus, des agents et des usagers qui tous ont des intérêts différents, décrit Magali Girou. Il lui revient de faire passer l'information dans un sens et dans un autre : remonter aux élus ce que les agents observent au contact des habitants en étant force de proposition et de conseils, et aviser les agents des demandes politiques des élus, organiser et accompagner leur mise en oeuvre ». Ce rôle de relais et de maillon nécessite d'être très diplomate « pour éviter les crispations et bien naviguer dans cet environnement ». Quant au pouvoir décisionnel du manager, les égocentriques en seront pour leurs frais. Ou presque... « Le pouvoir est en théorie entre les mains des élus. Mais les choses sont plus compliquées que ça, note Pascal Brindeau. Certains DG ont des charismes très puissants et peuvent avoir un ascendant très fort sur des élus. Ces derniers peuvent se laisser submerger. Une relation d'équilibre doit se créer. Il en va autant de la responsabilité des élus que de l'équipe de direction d'une collectivité. »

A découvrir : le témoignage de Danielle Prat-Moullec, une des rares femmes à occuper le poste de directeur général des services d'une collectivité territoriale.

Fédérer les fonctionnaires autour de projets porteurs de sens

Mais comment asseoir sa légitimité face à « un agent qui ne "risque" rien ? » s'interroge Jérôme Ragenard, ex-directeur du cabinet du Conseil général de l'Aveyron et de la ville du Plessis-Robinson, dans un article au titre provocateur Le fonctionnaire ou le cauchemar du management. « Il est vrai que les titulaires ont la sécurité de l'emploi. On ne peut pas user du levier qui consisterait à leur dire : si vous ne faites pas ça, on vous vire, résume Dominique Gruyer, directrice territoriale dans un conseil général de la région parisienne. C'est au manager de leur insuffler une dynamique et l'envie de s'investir. Comment ? En les fédérant autour d'objectifs communs, en les responsabilisant, en donnant du sens à leur travail ». Et pour cette responsable management et développement durable, co-fondatrice de Compétences FP, rien de mieux que l'approche QSE (qualité-sécurité-environnement) « plébiscitée dans le privé et tout à fait transposable dans le public ». Une démarche que Dominique Gruyer a elle-même mise en place avec succès auprès de 700 agents de sa collectivité. Pour Pascal Brindeau, l'important c'est que les agents s'identifient à leur collectivité. « Le manager doit être porteur d'un message collectif positif et inspirant auquel doivent adhérer les agents. Il doit leur faire comprendre que leur métier a une importance toute particulière, que l'image de la collectivité à l'extérieur repose sur eux. »

Appréhender les différences de statuts, de grades, de catégories

Un message qui passe peut-être mieux auprès de certains agents plutôt que d'autres. Entre les titulaires et les contractuels appartenant à la catégorie A, B ou C, les motivations peuvent être différentes. Une particularité à laquelle ne peut échapper le manager public. « La gestion des compétences peut différer, constate Magali Girou. Un manager de terrain qui dirige un service technique avec des agents de catégorie C, n'exerce pas le même mode de management qu'un dirigeant de cadres A et B dans un service financier par exemple ». Face aux contractuels, l'approche peut aussi varier. « Le problème c'est qu'ils ont peur de ne pas savoir si leur contrat va être renouvelé. Il revient au manager de leur fixer des objectifs forts et de les sécuriser » conseille Dominique Gruyer. Mais le plus important, c'est de respecter les individus sans tenir compte de leurs grades et statuts, chacun a ses propres valeurs, ses propres expériences et peut apporter quelque chose aux équipes et à la collectivité ».

(1) Publicap Conseil accompagne les collectivités et les administrations dans leur communication stratégique, la conduite du changement, la formation et la GPEC. Pascal Brindeau est l'auteur d'un rapport parlementaire sur la gestion des âges de la vie dans la fonction publique.
(2) Savoirs Publics est un centre de ressources (formation, conseil, recrutement, accompagnement stratégique) dédié aux collectivités territoriales
(3) Territoires RH, cabinets de chasseurs de têtes spécialisés dans le secteur public (recrutement, formation, conseil).

Quelques exemples de concours permettant d'accéder à un poste d'encadrement (catégorie A) au sein de la fonction publique territoriale :