Près d'un quart des agents publics estiment avoir été confrontés à une discrimination en tant que victimes et plus d'un tiers en tant que témoins, selon un baromètre 2012 établi par le Défenseur des droits (ex-Halde) et l'Organisation internationale du travail. De plus, 30 % des agents qui ont été témoins d'une discrimination se sont tus. Les réclamations des victimes portent sur l'état de santé et le handicap (33 %), l'origine (17 %) et la grossesse (8 %), suivis par les activités syndicales (7 %), l'âge (6 %) et le sexe (4 %).

Une situation préoccupante

Ces chiffres, mentionnés par Alain Tourret dans son rapport sur la lutte contre les discriminations dans la fonction publique (octobre 2012), sont d'autant plus étonnants alors que l'État employeur a un devoir d'exemplarité et que la fonction publique est sensée accorder à ses agents un cadre de travail et un statut fondés sur un principe d'égalité entre tous.

Surprenants aussi face à l'éventail des outils législatifs mis en place pour vaincre les discriminations : suppression de la plupart des limites d'âge pour entrer dans la fonction publique, recrutement sans concours pour les jeunes sans qualification à des emplois de catégorie C, instauration d'un quota de 40% de personnes de même sexe dans l'encadrement supérieur.

Déroutants enfin lorsqu'on considère l'étendue des dispositifs de sensibilisation, de formation et d'information : Charte pour la promotion de l'égalité dans la fonction publique, label Égalité (une centaine d'établissements publics concernés à ce jour), mise en place de référents chargés des questions de promotion de l'égalité au sein de chaque ministère ou organisme public.

Et dans la fonction publique territoriale ?

Alain Tourret cite les initiatives de lutte contre les discriminations de l'employeur public territorial à travers l'action du CNFPT : « le développement d'une réflexion sur les pratiques de recrutement dans les collectivités territoriales de grande taille ; la généralisation de formations au profit des agents territoriaux sur l'intégration des personnes handicapées dans un service ou sur la prise en compte des pratiques de harcèlement ; ou encore la conclusion d'accords avec le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique et l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé) ».

Pourtant, là aussi, les faits et les chiffres sont têtus, notamment en ce qui concerne l'obligation d'emploi des personnes handicapées (5% dans la Territoriale au lieu des 6% pour le taux d'emploi légal) ou la parité entre les femmes et les hommes. Ainsi, moins d'un directeur général des services sur dix est une femme. Aucune n'est directrice générale des services d'une communauté de plus de 80 000 habitants - toutes communautés confondues : communautés de communes, d'agglomérations ou communautés urbaines – ou d'une intercommunalité de plus de 300 000 habitants, relève le rapporteur.

Harcèlement moral ou sexuel, le flou total

« Ce phénomène est mal identifié, pour ne pas dire méconnu dans la fonction publique, signale Alain Tourret. On pourrait presque - en forçant un peu le trait - considérer que tout se passe, dans la fonction publique, comme si le harcèlement n'existait pas ! »

Selon l'enquête sur la surveillance médicale des expositions aux risques professionnels (enquête SUMER), 1,1 % des agents publics interrogés ont déclaré qu'au travail, une ou plusieurs personnes leur avaient fait des propositions à caractère sexuel de façon insistante. Les données varient selon le versant de la fonction publique en cause : 1 % pour l'ensemble de la fonction publique de l'État ; 0,8 % pour l'ensemble de la fonction publique territoriale ; 1,7 % pour l'ensemble de la fonction publique hospitalière.

Quant au harcèlement moral, aucun état des lieux n'est disponible à ce jour. Des travaux statistiques devraient prochainement être lancés par le Ministère en charge de la fonction publique.