Pour la première fois, un rapport pointe l'existence réelle de discriminations dans les procédures de recrutement dans les trois versants de la fonction publique. Un vrai paradoxe alors que la voie normale d'accès dans les administrations est le concours, organisé dans la plus stricte égalité des candidats. Or après avoir exploité un panel statistique, couvrant plus de 400 000 candidats dans 90 concours relevant de cinq ministères (Affaires étrangères, Intérieur, Travail, Education nationale, Recherche), il s'avère que « le concours ne préserve jamais totalement du risque de discrimination, même si, à l'évidence, il le réduit relativement à un recrutement sans concours ».

Habiter Paris et être en couple favorise la réussite à un concours

Selon le rapporteur Yannick L'Horty, professeur à l'Université Paris-Est Marne-la-Vallée, les femmes, les personnes nées hors de France métropolitaine ou résidant dans des quartiers populaires ont moins de chances de réussir les écrits puis les oraux (ou épreuves d'admissibilité) d'un concours. Seule exception : « le concours national externe de gardien de la paix où les candidats nés à l'étranger ou natifs des DOM ne sont pas pénalisés ». Par contre, les personnes qui habitent Paris ont des chances plus élevées de réussite, sans doute parce que « les centres de préparations aux concours les plus réputés sont parisiens et qu'ils drainent les meilleurs candidats ». Tout comme les personnes en couple qui bénéficient de « meilleures conditions de préparation au concours » et « peuvent s'appuyer sur le partenaire de vie ».

Vaut mieux s'appeler Laure que Anissa pour être infirmier

Des demandes fictives d'information ont aussi été envoyées à des commissariats pour connaître la procédure à suivre pour devenir adjoint de sécurité, et à des hôpitaux pour se renseigner sur le métier d'infirmier diplômé d'Etat. Les tests ont porté sur le sexe et l'origine, identifiables par le patronyme et le prénom du candidat. Résultat : pas de discrimination dans l'accès à l'information sur les emplois dans la police nationale. Par contre, les tests vers les hôpitaux font apparaître une différence entre Laure et Anissa. La première obtient 35 réponses positives sur 153 demandes d'information, la seconde n'en recueille que 25.

Des pratiques discriminantes dans les collectivités et les hôpitaux publics

Par ailleurs, des tests de discrimination (testing) portant sur le sexe et l'origine ont été effectués dans les emplois publics où les candidats doivent envoyer leur CV et leur lettre de motivation pour postuler à des offres vacantes. 3 258 candidatures ont été expédiées en réponse à 1 086 offres de postes. S'il n'y a pas eu de différence de traitement dans la fonction publique d'Etat, il en est tout autrement dans la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière où les candidats d'origine maghrébine et ceux habitant dans un quartier relevant de la politique de la ville, sont pénalisés. « Ces discriminations sont parfois plus marquées dans le privé que dans le public, elles sont plus fortes pour les emplois qui relèvent de la catégorie C et sont plus marquées pour les emplois contractuels » note le rapporteur.

Assurer à tous les mêmes chances d'accès à la fonction publique

Suite à ce rapport,  le premier Ministre Manuel Valls a demandé dans un communiqué à Annick Girardin, ministre de la Fonction publique, « de faire de la lutte contre les discriminations sa priorité, en révisant totalement les pratiques pour assurer à tous les mêmes chances d'accès à la fonction publique ». L'objectif est de sensibiliser les services d'orientation aux carrières, d'ouvrir davantage les classes préparatoires intégrées aux candidats d'origine modeste, et les écoles type ENA, IRA... à la diversité d'ici fin 2016. Les processus de recrutement des épreuves de concours devront être revus et les jurys et les recruteurs formés à la prévention des discriminations, ces dernières étant pour rappel punies par la loi.